Leeay Aikawa - I'm Half Sick of Light

2025 | LEEAY AIKAWA
I’M SICK OF LIGHT
TORONTO
11 sept - 18 oct 2025

Vernissage : 11 septembre 2025, 18h-20h.



Blouin Division a le plaisir de présenter l’exposition I’m Half Sick of Light de Leeay Aikawa, dans l’Espace Projet de Toronto.

Ayant vécu entre son Japon natal et le Canada, Leeay Aikawa œuvre dans l’entre-deux : ni la clarté d’une appartenance à un seul lieu, ni le désordre de l’exil, mais les dégradés mouvants des deux. Son nouveau projet à Blouin Division, I’m Half-Sick of Light, s’ancre dans l’ombre, non comme absence, mais comme condition où le sens s’épaissit, où l’ordre se desserre, où l’opacité se maintient.

Dans son essai Éloge de l’ombre (1933), Jun’ichirō Tanizaki nous rappelle que la beauté ne surgit pas de la lumière éclatante, mais des nuances de l’ombre : la laque qui s’illumine à la lueur d’une bougie, ou l’obscurité profonde d’une alcôve de bois. contre la compulsion moderne d’abolir l’obscurité, de la bougie à la lampe à huile, du gaz à l’électricité, il affirme que l’ombre elle-même est profondeur esthétique. Les œuvres en papier mâché et en bois sculpté d’Aikawa prolongent cette intuition : leurs textures irrégulières n’attrapent la lumière qu’en fragments, laissant la profondeur se révéler dans la pénombre. ce que Tanizaki nommait richesse se manifeste ici dans son refus du poli et de la visibilité immédiate.

Plus tard, en un autre lieu, Édouard glissant fait écho à ce refus : son concept d’opacité affirme le droit de demeurer inconnaissable, irréductible à la clarté, résistant à l’exigence de visibilité. Le recours d’Aikawa à un buste de mannequin trouvé en incarne la posture : fragment de corps qui dévoile et retient à la fois. en dialogue avec glissant, son travail soutient que ce qui ne peut être entièrement ordonné ni expliqué n’est pas carence, mais dignité, une forme de présence qui se tient là, inaltérable.

c’est là que la formule de wallace stevens, « l’idée d’ordre », vient préciser l’enjeu. éclairer, c’est imposer un ordre : rendre le monde lisible, structuré, soumis à l’imagination humaine. l’œuvre d’aikawa demande plutôt : et si l’on laissait l’ombre brouiller l’ordre ? et si le sens pouvait habiter l’obscurité, la gradation, le refus d’une pleine visibilité ? son langage se déploie dans les plis et les creux, révélant comment l’ordre s’effiloche dans le demi-visible et comment le sens se multiplie dès lors que les choses échappent à toute saisie totale.

Les matériaux d’Aikawa incarnent cette orientation : papier mâché armé de fil de fer, buste de mannequin trouvé, bois sculpté inspiré des masques du nô japonais. Chacun capte et retient la lumière, leurs surfaces recueillant des ombres qui ne s’ouvrent jamais sur une clarté définitive. ces objets enracinent le travail dans la matière (la densité du monde), dans le lieu (la spécificité de l’ici), et dans le temps (la lumière changeant au gré des heures et des saisons). Aikawa y trouve un ancrage non dans la résolution, mais dans les cycles où vie et mort, appartenance et éloignement, visibilité et obscurité se replient l’un dans l’autre.

I’m Half-Sick of Light n’offre aucun ordre à maîtriser, aucune lumière sans reste. L’exposition habite l’épaisseur : elle chemine dans une identité culturelle mouvante où les choses demeurent partiellement voilées, où l’opacité préserve ce qui ne saurait peut-être être entièrement révélé, et où l’ici et maintenant se ressentent avec le plus d’acuité dans ce qui résiste à la résolution.

Texte : Erin Storus

Leeay Aikawa remercie chaleureusement le soutien du conseil des arts de l’ontario et du conseil des arts de Toronto.