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NICOLAS BAIER - Vases communicants

2023 | NICOLAS BAIER - Vases communicants
MONTRÉAL
21 jan - 11 mars 2023
Vernissage: Samedi 21 jan 2022


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Des vases communicants sont des récipients connectés entre eux à leur base par des canaux. Lorsqu’on verse ou retire un liquide dans l’un des contenants, ce liquide se répartit dans chacun jusqu’à atteindre une même hauteur dans tout le système. Ce qu’on observe : une ligne horizontale droite. Peu importe la forme, le volume ou la disposition des contenants sous cet horizon continu, peu importe l’aspect des jointures entre chacun, tant qu’il y a un espace pour que le liquide transige, cet état d’équilibre peut être atteint.

Cette exposition de Nicolas Baier respecte en quelque sorte le principe des vases communicants, toutes les oeuvres étant reliées entre elles par des thématiques communes qui habitent le travail de l’artiste depuis longtemps : la perception, la science, les questionnements existentiels, la connaissance, la technologie, la limite mince ou inexistante entre le naturel et l’artificiel. De vastes champs conceptuels qui sillonnent l’exposition et qui tracent un réseau d’idées reliant chaque œuvre. Peu importe l’aspect, la forme des œuvres, ces concepts les emplissent et tendent vers un équilibre, qui s’apparente à l’atteinte d’une forme de vérité.

La vérité n’est pas simple à définir et change constamment selon la discipline qui la sonde, selon le contexte dans lequel on se situe, selon le stade de l’évolution des idées et des découvertes qui définissent l’époque dans laquelle on se trouve. Mais toujours la vérité demeure cette aspiration vers laquelle on tend, ce point où, nous semble-t-il, ce qui nous entoure serait éclairé d’une lumière nouvelle, révélatrice. On discerne cette forme de quête autant dans les questionnements qui sous-tendent les œuvres de l’exposition, que dans les interrogations qu’elles évoquent. Alors que l’on transige à travers des objets qui nous renvoient les dessous ou les évidences de notre réalité, des « Eurêka » peuvent surgir en nous. Le passage d’un faisceau lumineux sur quelque chose qu’on ne croyait même pas chercher.

Cette toile tissée entre les œuvres de l’exposition s’étend aussi à d’autres pièces antérieures, créant ainsi un vaste réseau à la fois actuel et rétrospectif. En effet, de par leur forme et l’intention qui les anime, certaines font écho à des œuvres marquantes des expositions précédentes de Baier. Ces filiations témoignent de la cohérence de l’ensemble de son travail, qui se penche encore et encore sur des questionnements insondables, mais également du passage du temps qui modifie les réponses et traitements de ces questions. Malgré leur fixité, ces œuvres sont avant tout caractérisées par l’évolution de l’artiste et de la société dans laquelle il navigue. En revisitant des cheminements intellectuels déjà parcourus et les formes déjà manipulées, Baier intègre un dynamisme dans son processus créatif, qui permet au changement de se manifester. Ce changement est un peu le moteur ou la matière même de ses représentations ancrées dans l’évolution de tout : la matérialité, la société, les recherches, les idées. Mais aussi de nous. Alors que l’on a parfois tendance à se concentrer sur les changements qui surviennent autour de nous, notamment les avancées technologiques rapides, nous oublions que nous évoluons aussi. Ce mouvement temporel façonne le regard de l’artiste et de celle ou celui qui regarde, et par le fait même cette vérité vers laquelle le corpus tend.

Les aspects rétrospectif et évolutif vont de pair dans Vases communicants. On peut parler d’une rétrospective, parce que non seulement ces œuvres renvoient à de plus anciennes, mais elles ont, d’une certaine manière, toujours été sous-entendues dans le corpus global de Baier. En un sens, elles ont toujours été. Simplement, ici, elles sont concrétisées, soumises au passage du temps qui a transporté les apports nécessaires à leur création.

L’emboîtement perpétuel du présent et du futur sur le passé, cette ritournelle continue, s’applique à nos existences aussi. Bien que l’évolution soit le plus souvent entendue comme ce parcours fortement étiré d’une espèce qui n’est pas perceptible pour un individu, elle se meut aussi à plus petite échelle. Ces œuvres rapidement transformées au fil des ans nous rappellent que l’altérité nous guette, que les questionnements qui les soutiennent résonnent différemment avec l’écoulement du temps. Alors que cette exposition atteste d’un nouveau pas dans le processus créatif de Baier, elle est aussi un parcours rétrospectif qui nous invite à nous observer en tant qu’être changeant, qui est interpellé de manière variable par ces thématiques larges.

Les expositions antérieures de Nicolas Baier traçaient des voies d'exploration balisées, par exemple la magnification de la représentation scientifique ou les constellations de la voûte céleste qui deviennent une métaphore de celles de notre savoir. Dans Vases communicants, on retrouve un entrelacement de tout ensemble. Au-delà du propos clair et évocateur transmis par chaque œuvre, de l'ensemble émane aussi un fatras d'idées, un réseau trop complexe pour être délié.

De ce semblant de brouillard qui plane sur l’exposition émane toutefois une présence plus appuyée, celle de la technologie. Elle est partout, autant dans l’idée que dans la forme. En fait, se trouve-t-on devant un brouillard ou plutôt aveuglé par cette omniprésence?

Alors que Baier présente la technologie comme un aboutissement de l’évolution humaine, il la dépeint aussi comme si intimement liée à notre environnement, à notre existence, qu’il devient difficile de reconnaître la source de cette évolution : est-ce la technologie ou l’humain qui nous fait avancer? Est-ce l’existence humaine qui trace une voie ou bien l'outil technologique lui-même, qui incarne une nouvelle forme de vie et qui détient une forme d'intelligence rivalisant dans certains cas avec la nôtre? Cet entrelacs de ce que nous sommes et de ce que nous produisons tapisse cette exposition, y intégrant tantôt chaos, tantôt fusion.

-Sophie Pouliot, janvier 2023

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